Comme il
était annoncé dans le programme de ce week-end clôturant la fête de la Science,
nous nous sommes retrouvés samedi matin à la salle Louis Nodon à Vernoux
pour assister à la présentation par Delphine Forestier (doctorante en arts et
sciences de la communication à l’Université de Lorraine) de son travail sur les
objets de mémoire des personnes de la région qui ont été interviewées en raison
de leur vécu clandestin ou de celui d'un de leur proche pendant la guerre. Ces objets, que sont-ils devenus, quelle
importance gardent-ils dans la vie quotidienne et dans la transmission aux
générations actuelles ?
La découverte
des lieux, souvent discrets, où sont rangés précieusement ces témoins d’une époque
de clandestinité, les photos, les commentaires
de leurs propriétaires, nous avions eu l’occasion de les voir ou de les
entendre par bribes au cours de différentes phases du travail de Delphine, mais la mise en scène de cette présentation révélait toute l’intensité des souvenirs et
la sensibilité de l’attachement à ces objets, rendant évidente la dimension
artistique de ce travail, explicitée par les réponses de Delphine aux questions
posées par le public.
Puis ce fut
le tour de Pablo Garcia, artiste ayant beaucoup travaillé sur les camps de la seconde guerre mondiale. Pour le
projet « Mémoires de clandestinités », ses séjours aux Rias l’ont
amené dans une approche originale à utiliser photos, cartographie,
enregistrements, interviews pour nous présenter des œuvres visuelles et sonores
comme la séquence dans laquelle Robert Combe joue au tuba le Chant des
Partisans dans les bois et des œuvres visuelles, voire tactiles comme son carré
de soie (comme de parachute ?) sur laquelle la cartographie permet de dévoiler
les lieux de résistance, ou ses planches inspirées de macro-photos des
pierres sur ces sites.
Là aussi
l’assistance, passionnée, n’a pas hésité à poser des questions ou faire des
commentaires élogieux.
L’après
midi avait une toute autre tonalité, chère aux pratiques des Rias par une
mise en situation de recherches et de productions encadrées par Delphine et
Pablo. A partir d’un objet usuel apporté par chacun il s’agissait, dans un
premier temps, sous la conduite de Pablo, de le recouvrir, dissimuler,
transformer, en quelque sorte de le
rendre « clandestin » puis de le mettre en situation permettant des
prises de vues avec cadrages, plans, lumières donnant des images permettant des
interprétations variées, ceci avec les conseils de Delphine. N’oublions pas non
plus les savonnettes au chèvrefeuille qui embaumaient ce bel après midi de
travail en plein air sous un soleil « printanier », savonnettes que
chacun pouvait sculpter, dompter, réduire en copeaux avec des outils aussi
simples que des petites cuillers ou des piques à apéritif ! Toutes ces
réalisations sont, conservées sur place en vue… d’une vie nouvelle ( ?)
Dimanche
matin, (à une heure un peu matinale), Didier Tallagrand présentait son
travail sur l’image, lié à la production
de Jean Nicolas, « Rébellions et
Révoltes en Vivarais sous l’Ancien Régime », à ne prendre en aucun cas comme
une « illustration » mais plutôt comme une démarche parallèle autonome
servie par d’autres langages. « Les images font récit » selon trois
pistes dégagées par Didier
Tallagrand ; « liaison à la mémoire ; disproportion entre les
émeutes et le poids de la répression ; contagion liée au territoire. Ces
pistes sont traduites par de grands paysages larges et profonds, des
changements d’échelle (resserrement de focale) des ombres produites comme des
spectres de révolte ». On retrouve facilement ces images dans des
tonalités noir/blanc, des végétaux aux
couleurs parfois éclatantes et les flous
des ombres en filigrane.
« L’image
n’est ni photo ni peinture mais travaillée comme une peinture ».
« Pas d’expressionisme, pas d’allégorie, juste des images virtuelles…
c’est parce qu’on les regarde qu’elles existent ».
Il faudrait
pouvoir tout citer de cette présentation qui nous fait assister à la naissance
d’une œuvre, à l’aboutissement d’un travail qui ne perd jamais de vue les choix
artistiques explorés.
Puis Didier revient sur le travail des masques et des jeux de cartes produits
précédemment avant de nous dévoiler
quelques images de « Rivière Noire »,
son exposition née de son séjour au Japon qui sera inaugurée le 31
octobre à Montpellier. Il nous guide en nous autorisant à être les témoins des
étapes de sa démarche artistique.
Une matinée,
que dis-je, un week-end passionnant qui a permis l’approche vivante de
démarches artistiques au travers d’échanges approfondis mettant en évidence les liens
tissés entre Mémoire, Sciences et Arts .
Nicole Bertholon